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Ambiguïté sur l'année de sa naissance
Raymond Grégoire est né le 1er janvier 1906 au petit matin, mais son père choisit de le déclarer comme étant né la veille, le 31 décembre 1905. On naissait alors à la maison et cela pouvait faciliter ce genre d'accommodement. Pour l'enfant la conséquence était de le dégager un an plus tôt de ses obligations militaires, facteur très important à l'époque pour entrer définitivement dans la vie active.
Une enfance difficile et de brillantes études
Le jeune Raymond connut peu son père employé de la mythique salle Wagram à Paris, appelé à la guerre dès 1914, revenu gazé en 1918. Ses brûlures de guerre internes et externes entraînèrent sa mort en 1920 après une longue et pénible agonie. Raymond fut donc élevé, ainsi que ses jeunes frère et sœur, des jumeaux de deux ans plus jeunes que lui, par sa mère qui dut trouver un emploi pour nourrir ses enfants. Devenue factrice, elle acheta sur ses rares deniers la bicyclette indispensable à ses tournées. Comme les garçons de son époque, Raymond aurait dû commencer à gagner sa vie dès l'âge de quatorze ans, mais, élève particulièrement brillant, son instituteur, qui avait remarqué chez lui un fort potentiel, intervint auprès de sa mère pour qu'il poursuive ses études. Il les continua à l’école primaire supérieure (EPS) Turgot à Paris aujourd’hui lycée.
Archives ESPCI
R.Grégoire en médaillon |
A la première tentative en 1923, il fut admis à l'École Supérieure de Physique et Chimie Industrielles de la ville de Paris (ESPCI), école qui forme l'élite scientifique de notre pays qui a vu passer 18 membres de l'Institut de France, 5 prix Nobel et de nombreux professeurs au collège de France. Il n’avait que 17 ans et était le plus jeune de sa promotion. Sorti deuxième de cette prestigieuse école il aurait pu prétendre à une situation élevée dans l'industrie, mais il préféra la recherche. Marie Curie l'engagea aussitôt comme préparateur particulier sur la recommandation de Paul Langevin, directeur de l’école, pionnier réel mais discret dans l'élaboration de la théorie de la Relativité. |
Ses obligations militaires En 1927 il fut incorporé à l’école des officiers de réserve de l’armée de terre de Poitiers où ses camarades le plaisantaient amicalement sur sa grande taille, près de deux mètres. |
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Archives Musée Curie
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Sa vie professionnelle s'effectua essentiellement au laboratoire Curie à Paris. En 1933 il soutint une thèse sur les rayons α, qui avec les rayons β et γ, forment le rayonnement des corps radioactifs. Sa directrice de thèse fut Madame Curie, les autres membres du jury étant André Debierne le découvreur de l'actinium qui succédera à Madame Curie à la tête du laboratoire et Jean Perrin le célèbre physicien. Il dédia sa thèse à Madame Curie, à laquelle il portait une grande admiration et un profond respect et à sa Mère envers qui il éprouvait une profonde reconnaissance pour les sacrifices qu’elle avait faits pour lui permettre d'effectuer de longues études.
A souligner le jugement de Madame Curie rapporté par sa fille Ève dans son livre "Madame Curie" (éditions Hachette p 484):
« Je suis vraiment contente de mon jeune Grégoire, je savais qu'il était très doué ! » Il enseigna l’électricité rationnelle à l’école Charliat, où il succéda à Frédéric Joliot-Curie. Il dirigea aussi les travaux pratiques d’électronique à l’ESPCI. |
Un grand enseignant Ses étudiants reconnaissaient unanimement ses qualités pédagogiques, car il savait leur rendre accessibles les parties les plus complexes de la physique. La plupart de ses élèves devinrent des scientifiques émérites, certains entrèrent à l'Académie des Sciences comme Marguerite Perey, première femme à être admise dans cette illustre compagnie. Il aimait occuper les enfants; en vacances il était toujours entouré de jeunes qu'il captivait par des jeux éducatifs. La bibliothèque de l'ESPCI conserve le texte d'une conférence qu'il fit le 18 décembre 1944 au cours de laquelle il présenta, de façon très compréhensible, la théorie de la Relativité. Doté d’une forte corpulence et d’un cœur insuffisant, il mourut à l’école Charliat d’un arrêt cardiaque devant ses élèves, la craie à la main, en 1960, à l’âge de 54 ans. |
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